Le Californien Chris Zaldain sait alterner la pêche des gros poissons aux swimbaits et toutes les techniques fines importées du Japon
Avant de vous présenter une à une les techniques et pattern mis en œuvre par les meilleurs pêcheurs de la planète afin de pouvoir les reproduire chez nous, je vais me livrer à une petite réflexion les concernant. Et en tout premier lieu, je vais tenter de dissiper certaines craintes et scepticismes de votre part (si si, je vous connais !).
Chez nous, les méthodes nord-américaines pour pêcher le bass sont considérées comme grossières. Les ricains pêchent plus gros que nous en effet, avec des cannes souvent plus puissantes c'est vrai, ils utilisent plus fréquemment les hardbaits, car ils pêchent bien plus souvent que nous en power fishing et avec des techniques de reaction. Ces quelques constatations ont fini par faire croire à certains que les techniques qu'emploient les américains ne sont pas directement transposables en France. Nos bass y seraient plus intelligents, plus subtils ou alors plus craintifs et moins agressifs ?
Mais restons sérieux. Ne serait-ce pas plutôt nous qui finasserions plus que de raison ? Ne serait-ce pas plutôt notre anthropomorphisme qui nous joue des tours ? A moins que ce ne soit notre manque de pratique et d'expérience sur la discipline qui nous fait perdre la raison ?
Je ne vais pas vous cacher plus longtemps mon sentiment : je soutiens la thèse selon laquelle c'est bien notre manque de culture halieutique qui est en cause. J'en veux pour preuve la question suivante : pourquoi pensons-nous qu'il faille pêcher lentement des poissons inactifs, alors qu'en ces conditions un pro américain sait qu'il en capturera davantage avec des techniques de reaction ?
Ainsi, je reste persuadé qu'une majorité de bassers français se demande encore comment est-il possible de transposer avec succès des méthodes de pêche importées des US, de façon brute et sans ajustement. Je les entend d'ici critiquer : "c'est bien joli tout ça, mais nos lacs sont plus petits, les bass moins abondants, les périodes de pêche différentes, le poisson fourrage différent, etc."
Il est tout d'abord intéressant de noter que ces croyances d'une situation particulière à la France (la fameuse exception française), sont majoritairement le fait de personnes n'ayant que très peu (ou pas du tout) pratiqué à l’étranger. Leur perception déformée, fantasmée presque, de la pêche aux US, trouble en partie leur jugement. Fort heureusement, il est rassurant de constater que le bass se comporte de la même façon dans le monde que dans son pays d'origine.
Alors oui, les milieux sont plus petits chez nous, ce qui ne veut pas dire que les bass ne sont pas les mêmes. Ce qui change, ce sont les déplacements en bateau d'un spot à l'autre : ils sont moins longs. Pour le reste, rien ne change : un compétiteur US se cantonnera toujours sur un petit tronçon de lac pour gagner du temps et éviter de se compliquer la pêche.
Pour ce qui est de l'abondance, il est incontestable que les US sont plus fournis en bass.
Mais il ne faut pas croire pour autant qu'aux US, il suffit de lancer n'importe quoi, n'importe où pour attraper un bass. Les populations de poissons sont exactement comme chez nous, très sectorisées. Alors en effet, lorsqu'un secteur est bon, il permet parfois à un compétiteur de sortir plus de 20 lbs par jour durant 4 jours (ce qui reste exceptionnel) ce qui n'est pas le cas chez nous. Mais il faut remettre tout en proportion pour comprendre. Les compétitions durent parfois 4 jours, avec un contingent de souvent plus de 300 pêcheurs lors des Opens : l'abondance est donc également du côté des pêcheurs, la pression de pêche aussi... Si vous ne respectez pas la saisonnalité et que vous pêchez sans tenir compte des principes qui la gouvernent, vous aurez 299 pêcheurs qui vont vous passer devant, vous prendre tous les poissons et vous reléguer aux antipodes du classement. Et pour la pêche du week-end, ce sera la même sentence : les spots du moment seront pris d'assaut, les meilleures techniques appliquées dessus : vous n'aurez que les miettes. Et quand bien même vous pêcherez seul en semaine, sur de grands milieux, vous aurez plus vite fait de pêcher les mauvaises zones que les bonnes, bien moins nombreuses. Là encore, désillusion et frustration seront au rendez-vous.
Ce que je veux faire comprendre aux sceptiques, c'est que l'abondance est encore une fois une notion relative et que cette différence n'implique en aucun cas le rejet des techniques mises en œuvre, ce qui paraît très hasardeux comme raisonnement. Et alors, établir un parallèle entre le niveau de finition d'un leurre, son prix et la rareté du cheptel me semble, vous en conviendrez, pour le moins curieux.
Pensez-vous que le meilleur pêcheur du monde se fie davantage à la beauté de son matériel qu'à la pertinence de ses pattern ?
Si le fourrage est effectivement différent, il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l'eau du bain pour ça. Car les écrevisses et les perches soleil sont les mêmes et prennent chez nous comme aux US une part très importante dans le régime alimentaire des bass. Quant aux poissons de pleine eau (shad, shiner, blue back herring), ils arborent la même livrée et des comportements très similaires à nos poissons français (ablette, gardon), à quelques exceptions près toutefois qu'il faut connaître, le shad spawn par exemple.
Enfin, pour ce qui est des périodes de pêche, il y a effectivement une différence majeure entre la France et les US : la législation et l'éthique. Car comme la pêche est fermée dans les eaux libres de France de février à avril (mais de moins en moins), les pattern de pre spawn sont difficiles à mettre en œuvre sur de grands milieux. Quand à la pêche durant la fraie, nous ne la pratiquons pas.
Alors si l'on accorde sur le pre spawn, le spawn et le fait que nous ne ferons jamais plus de 100 lbs de bass en 4 jours de compétition, pourquoi continuer de penser que les techniques et les approches développées professionnellement aux US sur le bass depuis plus de 50 ans sont inefficaces et que cela ne sert à rien de les connaître et les appliquer ? Les autres nations du bass fishing ne se posent pas la question : l'Italie, l'Espagne, l'Afrique du sud et même les japonais et leur goût immodéré pour le raffinement, connaissent et utilisent ces méthodes avec succès. Les bass français seraient-ils génétiquement modifiés pour répondre négativement à l'approche ricaine ? Les autres espèces comme le brochet et la perche y seraient également réfractaires ?
De nombreux pêcheurs ne s'intéressent pas à la théorie, certains même rechignent à refaire des "mises à jour" et s'enferment au niveau technique. Ceux-là sont en danger d'abandonner la pêche quelques années plus tard. En effet, il n'y a pas plus frustrant et monotone que de pêcher toujours les mêmes spots, avec les même techniques et de constater année après année la chute drastique du nombre de captures. Certains tournent mal, et deviennent des grincheux aigris. Vous savez, ceux qui se plaignent toujours. Ils incriminent les autres : ceux qui gardent le poisson, ceux qui pêchent trop souvent. Ils jalousent les résultats des autres, pestent contre la pression de pêche, cachent alors leurs spots, et se renferment au final. Un jour ou l'autre on ne les voit plus : ils ont arrêté.
Au contraire, pour ceux qui sont curieux et ouverts, qui s'intéressent et font les mises à jour, les résultats sont stables ou en augmentation. A ces derniers je dirais ceci : tournez légèrement votre regard vers l'ouest, de l'autre côté de l'océan : vous y apprendrez des choses fabuleuses qui vous feront progresser encore plus vite et prendre un plaisir neuf et jamais rassasié.
Vous le découvrirez bientôt, Jason Christie possède des aptitudes incroyables en ce qui concerne les wire baits
Alors j'entends encore les esprits critiques : "oui mais franchement, pourquoi écouterais-je ces pros sponsorisés, qui ne sont là que pour nous vendre les produits de leur marque ? Sont-ils vraiment sincères, peut-on leur faire confiance ?"
Eh bien nous allons en parler bientôt.
A suivre...