Alors que je m'apprêtais à publier cet article mettant en lumière deux des tout meilleurs pêcheurs de spinnerbait, voilà que l'actualité MLF venait tout chambouler. Jacob Wheeler (que je vous présentais il y a quelques mois) venait tout juste de remporter la Major League Fishing à Eufaula, un haut-lieu du spinnerbaiting.
Jacob Wheeler a remporté l'épreuve en pêchant au spinnerbait, loin du bord, et notamment sur des brushpiles, des tas de branches et arbres morts immergés au large, une pratique très utilisée par les pêcheurs de crappies. Une dernière journée d'anthologie où Jacob Wheeler enchaîna les poissons en lançant et ramenant son spinnerbait dans l'eau trouble du lac Eufaula, comme pour démontrer, s'il en était besoin, l'extraordinaire efficacité de ce leurre que de nombreux pêcheurs pensent pourtant bien connaître. Je vous laisse visionner ces quelques heures...
Le spinnerbait n'est pourtant qu'un leurre, mais il permet tellement d'approches différentes qu'il est difficile pour un pêcheur complet d'en connaître réellement toutes les subtilités. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est important d'en rappeler les bases. Ensuite, nous allons regarder comment deux pêcheurs professionnels, experts de ce leurre, l'utilisent le plus fréquemment. Car si Jacob Wheeler pêchait lourd (1 oz) sur des structures de pleine eau, vous allez voir que Jason Christie et Kevin Vandam l'utilisent bien différemment.
Voici d'emblée une première vidéo de Jason Christie qui nous montre la façon dont il positionne son bateau. L'eau est trouble, nous sommes en début de saison, avant la fraie et Jason est très près de la berge. Cela lui permet d'effectuer des lancers précis (contre la berge) et discrets, un peu à la manière d'un jig ou d'une pêche en texas rig. Il effectue d'ailleurs pas mal de pitching. Il utilise principalement un spinnerbait avec une single colorado. Ce pattern, [eau froide + début de saison + près de la berge + lancers courts + spinnerbait single colorado] est une combinaison qu'il affectionne car il peut prospecter vite tout en pêchant lentement (n'oublions pas que l'eau est froide en début de saison), et c'est tout le paradoxe de cette pêche. Les lancers sont rapides, il n'y a pas de perte de temps au lancer, ni lorsqu'il faut récupérer rapidement son leurre, hors de la zone de touche. Les touches interviennent d'ailleurs dès les premiers tours de manivelle. Comme la touche intervient également près du bateau, il n'y a quasiment pas de combat, le poisson est sorti d'autorité. La single colorado permet au spinnerbait de pêcher dès l'impact avec l'eau, à la descente, et durant la récupération, mais du coup cette dernière reste lente car la palette offre une forte opposition. Du coup, le spinnerbait descend très lentement, c'est parfait puisque l'action se situe près de la berge, dans peu d'eau donc. Bref, on a l'impression de voir une brute en action, alors que tout est fluide, calculé et optimisé.
Jason Christie est ici en compétition. L'action se déroule en début de saison, l'eau est trouble, mais Jason ne pêche plus un rebord de berge et ne cherche donc pas forcément à ce que son spinnerbait pêche durant la descente. Il utilise donc un modèle à double palette, mais ne s'est toujours pas résolu à opter pour de la willow. Il pêche avec un double colorado étant donnée la faible profondeur. L'opposition à la récupération sera moins forte qu'avec une single colorado, il pourra pêcher plus horizontal (pente douce) et pêcher plus vite (car il peut pêcher plusieurs postes sur un même lancer), normal car il ne pêche plus la berge, mais des troncs de cyprès. Les arbres noyés ont cette particularité de s'élargir à leur base et le batillage dégage la terre autour du sommet des racines, offrant aux bass de parfaites tenues d'affût. La profondeur au pied de ces arbres est faible, voila pourquoi la pêche doit se faire plus horizontalement (double palette) que verticalement (simple palette). Comme cependant l'eau est trouble et que le poisson peut avoir du mal localiser le leurre, il effectue plusieurs lancers sur le même tronc avec différents angles pour que le poisson ait plus de (mal)chance de l'attraper. Notez qu'il a poussé le vice jusqu'à utiliser une palette peinte de manière à encore augmenter la visibilité de son leurre. Re visualisez la vidéo pour constater que Jason Christie prospecte encore une fois très vite, sa vitesse d'exécution est incroyable et les combats sont brefs (compétition). Cependant, dès que son leurre a touché l'eau, il faut noter l'application avec laquelle il mouline de façon à pêcher le plus lentement possible, probablement pour rester le plus possible en contact avec les structures.
Un autre spécialiste nous explique sa façon de procéder et vous allez voir qu'elle radicalement différente.
Kevin Vandam réside dans le Michigan, un Etat du nord des Etats-Unis où les eaux claires sont omniprésentes. Sa façon de pêcher au spinnerbait est donc bien différente et nous dévoile une autre facette de ce leurre.
En eaux claires, KVD utilise une combinaison de 2 palettes willow qui tournent rapidement près de leur axe en offrant peu de résistance à la récupération. A la différence de Christie, il conseille lui de le "brûler", c'est à dire de le ramener rapidement. S'il effectue des courtes pauses de temps à autre, ce n'est pas pour lui faire reprendre de la profondeur ou le ralentir, mais pour flasher davantage et diversifier la qualité des signaux émis.
Comme il pêche en eau claire, rapidement et donc haut dans la couche d'eau, KVD conseille de toujours utiliser un trailer hook. Jason Christie quant à lui, pêche les eaux troubles, donc les obstacles durs (les bass aiment à s'approcher des structures durs en condition de faible visibilité) et cette règle qu'édicte KVD, Christie aimerait bien bien la respecter, mais ne le peut pas toujours. KVD twitche et parfois jerke son spinnerbait en pleine eau, du coup un hameçon supplémentaire est le bien venu, d'autant que les risques d'accrocs sont ici quasi nuls.
Il conseille le spinnerbait par temps couvert et venteux, normal lorsqu'il y a beaucoup de bruits dans l'eau et une faible luminosité, un leurre qui flashe et pulse sera plus facilement repéré.
Vous noterez la différence qu'il y a entre ces deux spécialistes du spinnerbait. Le premier vit en Oklahoma où les eaux sont souvent troubles en début de saison, le second dans le Michigan où les eaux sont claires la plus clair de l'année. Les bass sont les mêmes (même si le smallmouth fait plus partie des cibles de KVD) mais les milieux bien différents. Tous deux sont des spécialistes du spinnerbait, le premier est clairement reconnu par ses pairs comme un expert du spinnerbait par eaux froides et troubles, le second par eaux claires. Leur façon respective de procéder avec ce leurre est bien différente, et pourtant il s'agit du même leurre. Cela montre le large spectre que couvre la pêche au spinnerbait, et la diversité technique de notre discipline plus généralement. Cela nous prouve encore une fois qu'il est quasiment impossible pour un pêcheur, même un pro, de saisir de manière exhaustive toute cette passionnante complexité. Les professionnels ont choisi d'exploiter à fond leurs points forts. C'est de cette manière qu'ils arrivent à tirer leur épingle du jeu en compétition, face aux meilleurs pêcheurs de la planète. C'est encore une fois pour cela qu'ils s'égarent peu à donner des conseils sur des techniques pour lesquelles ils n'ont pas le statut d'expert (reconnu par leurs pairs).
A suivre...